Erté (1892-1990), le flamboyant


Né à Saint-Pétersbourg sous les derniers fastes de la Russie tsariste, Romain de Tirtoff s'installe à Paris en 1912 où il prend pour pseudonyme Erté (composé à partir des initiales de son nom « R » et « T »). Rapidement il fréquente les milieux artistiques et est embauché par Paul Poiret, couturier le plus novateur des années d'avant-guerre. Erté l'assiste pour un temps dans ses créations audacieuses qui répondent aux directions radicalement nouvelles de l'art de l'époque : notamment l'exaltation de la couleur pure et l'enchantement de l’orientalisme, incarnés par le triomphe parisien des Ballets Russes en 1909. Avec Poiret, Erté s'illustre aussi pour la première fois au théâtre et réalise des costumes pour la pièce de Jean Richepin, "Le Minaret" (1913), qui met en scène la célèbre danseuse Mata-Hari.
 

Loge de théâtre, 1912 Costume pour Mata-Hari, Design pour "Le Minaret", 1913


Lorsque la Grande Guerre éclate, Erté a l'idée de proposer ses illustrations de mode aux magazines américains et parvient à obtenir un contrat d’exclusivité avec Harper’s Bazar (devenu depuis Harper's Bazaar). Au total, entre 1915 et 1936, l'artiste contribue à plus de 240 couvertures. Celles-ci combinent des personnages féminins au charme mutin, de grandes plages de couleur, ainsi que des détails infimes et fantaisistes inspirés des miniatures persanes qu'il admirait jeune homme dans la bibliothèque paternelle. L'esthétique de la revue est ainsi profondément marqué par son style Art Déco et la "femme Erté", toujours somptueuse et resplendissante, devient l'icône des élégantes des Années Folles.
 

Couvertures pour Harper's Bazar, Février 1921, Janvier 1922 et Juin 1924,
dans les Collections de la Bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs

 

Dessins pour Harper's Bazar, Septembre 1922

 

Grâce à son travail pour Harper's Bazar, l'artiste jouit d'une glorieuse réputation aux Etats-Unis. Sollicité à Hollywood, il signe un contrat avec la Metro Goldwyn Mayer (MGM) et traverse l'Atlantique en 1925. A son arrivée, il est installé en grande pompe dans un studio reconstitué à l'identique de son appartement parisien. Quelques années plus tard, de retour en France, Erté prolonge son expérience américaine en réalisant de somptuosissimes décors et costumes pour Broadway. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, il met son talent essentiellement au service des cabarets parisiens, concevant décors et costumes pour Les Folies-Bergères ou encore le Moulin Rouge, et habillant les vedettes des revues (Mistinguett, Zizi Jeanmaire, etc.).
 

Design pour le music-hall Manhattan-Mary, 1927

 

A la fin de sa vie, Erté décide de se consacrer à la sculpture et réalise des œuvres en bronze patiné, mais aussi des bijoux et des objets d’art. L'artiste n'aura jamais cessé de créer, jusqu'à sa mort en 1990, à l'âge de 97 ans. Artiste prolixe, touche-à-tout, Erté a marqué le monde artistique de son influence, exerçant son talent dans la mode, le théâtre, le cinéma, l'opéra, les cabarets, etc. Il aura même conçu son propre alphabet, fait d'entrelacs de corps de femmes, qu'il mît plus de quarante ans à achever. Son style inchangé, mêlé de nostalgie, a fait de lui un symbole de l'Art Déco et une icône des Années Folles.
 

Lucioles, Avril 1980 Le coq Français, Avril 1980

Alphabet d'Erté, 1927-1967

 

A consulter : Les Harper's Bazar dans les collections de la bibliothèque à la côte JP 1153

Pour aller plus loin : Les ouvrages Erté, Romain de Tirtoff 1892-1990 [Exhibition, Grosvenor Gallery, London, 15 November-15 December 2017] et Erté : oeuvre graphique complet